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Le coeur troublé

Publié le par Mathias LEH

Le coeur troublé

« Que votre cœur ne soit pas troublé, ni craintif. »

Jean 14.27

Il a fallu traverser les plaines infimes, les flots et le bleu profond des océans. Il est des anniversaires dont on aimerait se passer. Des dates comme la sonnerie triste du glas. J’ai vieilli. Mon corps se ride. Je n’en garde pas de crispations particulières. J’ai l’âge de ceux qui peuvent tourner. L’âge des possibles se perd dans les grains de sable. Tu pourrais revenir, te poser sur le coin de mes lèvres, ta mort n’efface rien. Elle porte une promesse en elle. Je ne peux refaire le chemin arrière. Je suis pris dans les méandres, palétuviers lointains prenez mes pensées, enlacez-les à jamais… Que de vos racines infinies je sois prisonnier.

Il y avait une limite, il y en a toujours une. J’ai gardé mon arrogance comme le fruit dans le gant. Tu portais allégeance à ton image, tu ne voulais que le soleil et les rayons dans ton sillage puis tu es mort. Je crois que je n’ t’aimais plus. Dans le profond des ruisseaux, dans la laine des écrins. Je sais que je ne t’aimerai plus. Mais tu es mort. Subitement. Dans ce février décousu. Dans la mer de nos sentiments, dans le flot des habitudes. Je n’ai pas pu prendre la mesure des choses. Je porté mon éternelle fierté, j’ai repris les chimen chien et j’ai couru les mornes vertes. Pourtant, je sais. Pourtant la pluie ne me lave de rien. Pourtant je garde traces de toi. Quand l’amour ardent se meurt vient la réconciliation ?

Ne sois pas pardonné, ne sois pas réfugié. De cette terre tu n’as pas voulu, de cette fuite dans une fausse étreinte, la liberté ce leurre magnifique, tu as eu peur.

Mon corps n’a cette fois-là pas lâché, j’ai pu me raccrocher aux sombres branches à ma portée, j’ai appris à dépendre du monde. Cet exil, cette perte de toi, d’un nous magnifique, cette mort, je les ai faits miens, entièrement, j’ai aspiré la cendre et le venin, je voulais regarder tout cela en face.

Ne crois pas, ô mon adoré que je sois fier, fort et téméraire. Je pense bien au contraire que je n’ai jamais été aussi faible et titubant… Je t’ai perdu dans la brousse des souvenirs ardents, je t’ai tué dans le creux des montagnes, à la lisière des vagues.

Je ne choisis pas la vie comme on choisit la voie qui sera la meilleure, je prends vie comme une voix. Le jeu de mots semble facile mais je ne suis depuis que champ du monde, infime regard dans le creux des arbres, mélopées des oiseaux au revêtement des feuilles. Ma force n’est que cette endurance à la vie, cette tempérance à découvrir et parcourir inlassablement les landes.

Il y eut un premier jour et une dernière fois. J’ai gardé tout cela au-dedans de moi, la fleur de nos secrets, la salive de nos ébats. La mort ne porte pas atteinte, pas tant…

Je ne puis être entendu dans ce deuil, nous étions en dehors du monde, le secret. Je suis seul avec cette féconde perte. Mon amour parti, ma part d’ombre achevée. Je te porte au creux, dans le songe des heures. Il ne s’agit déjà plus de toi, il en va d’un autre. Chaque chemin pris est un défi. Je marche dans le noir, j’apprivoise les ombres, je ne comprends pas encore vraiment pourquoi je ne puis ressentir pleinement la peur. Pourquoi je ne suis plus cet enfant craintif ?

Je ne baisserai pas le regard, je ne courberai pas l’échine. Je n’ai plus honte, de moi certes, mais pas de toi, de ce que nous avions dans le sel des heures volées.

Je ne sais pas, je ne saurai plus. Il en va ainsi et sans doute est-ce là mon gain.

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