Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

MARTINIQUE

Publié le par Mathias LEH

Piti mwen.

Au pied du piton, à cheval sur les racines du fromager…

Comprendras-tu enfin ?

Dans la cadence accélérée des vagues du Lorrain, à dos d’écumes…

Prendras-tu le monde par la main ?

L’anolis est sur la branche.

Le monde est là.

Matoutou falaise, ne saute pas, pas encore, donne-moi de cet instant la flamme…

Dlo dlo dlo

Sel epi dlo zié

De l’Inde au Soudan, d’ici aux îles du firmament. Tu peux t’y perdre. Tu peux courir sans fin. Regarde.

Eyes wide open.

Shut it just for this sweet dream. Come into my land…

Géographie des confins. Comprendre, prendre.

Du sucrier, le regard souligné d‘un trait blanc, cœur jaune, drilles du cactus au manguier…

Ile, trois temps, tellement de larmes, de coups, d’espoir aussi…

Du haut des mornes, dans les nœuds de la fougère arborescente..

Elle porte en elle, elle supporte. Couverte de cicatrices.

De l’île le roi, iguane échoué, l’histoire lui barre les routes, en créole il s’entête.

Mabouya sur le flanc des mornes, contemple le soleil. D’un bout à l’autre.

Le temps. Ne te laisse pas emporter trop simplement. Longue île, changements inédits le long de la route. Le climat et les distances, perte des indices. Chaque pas est différent.

Saveur de l’air, des chants nocturnes t’emplissent de cette langueur si délicate et languide parfois.

Grenouilles des sables, des ruisseaux et rivières : allegretto !

Chaque jour, formes sans décompte.

Ca ne s’écrit pas dans une photo, un lieu, un pays, une île.

Suivre les mouvements lents des poissons lions sur les fonds, peu à pas.

Géographie des affects…

Martinique. Ma terre d’exil. Mon séjour tapi dans les lointains. Ma terre n’est pas celle-ci, ma terre est une carcasse, un terrain vague aux confins des souvenirs et des sécheresses d’enfance…

Pipiri, vol toujours à demi suspendu…

Je sillonne les aléas de ce pays, cette terre prise dans un croissant de sel et de laves anciennes. Je suis fasciné, parfois pris d’effroi. Je prends le temps, me demande…

Quelle légitimité ? Quelle place ? Comment prendre siège humblement dans ce temple de chlorophylle ?

Dissocier une terre de ce qui fut ?

Qui es-tu petit homme ?

Suis-je étranger ? Qui est là ?

Les projections, les anciens mots, les nouveaux…

Suis trop bête, soudain intelligent ? Je ne trouve pas réellement de zone de repli, je sens la force, la pulpe et la densité de cette île me parcourir, me transpercer, une danse folle, un état de fol ébriété…

Pourtant, là encore, petit homme, malin dans les mots, tu ne dis rien tu regardes et ne parle finalement que de toi… Art de l’auto tournoiement. Alors qu’en est-il donc de ce pays ? Sois franc. Tu prends des pincettes ou quoi ?

Perds ton habit de bienséance, prends ton élan, cours du haut de la falaise et saute, tu ne vivras peut-être pas plus que ce lieu, le sais-tu seulement ?

Cesse de te rattacher au passé, aux anciens pavés.

Tu n’es pas d’ici, tu n’es pas d’ailleurs, tu as toujours cherché ta place, et alors. En feras-tu éternellement ce drame ? Souviens-toi…

La solitude dans les champs de blés, la solitude dans les épis de maïs, la solitude, douce, amère et tendre.

Souviens-toi.

Etre happé, ravi.

Ces paysages, ces moments entre réel et imaginaire…

La tumultueuse Martinique t’en offre tant, une attache, des pousses…

Elle a un cœur, il se dessine au Nord, dans les vertes nuées de la montagne Pelée, il bat et récite des chants de colibris, des frondes de tortues sur les bancs de sable des anses parsemées…

Va les rivages, ils sont infinis, les déclarations se font entre deux brassées d’écume dans le sable noir et la lance d’un pélican zélé.

Je crie, à la nuit tombée, avant que les grenouilles ne couvrent totalement ma voix, je crie le mal d’un pays qui n’existe pas, une terre d’émotions lavées, je crie mon âme déchiquetée à la paroi des crimes imaginaires pour mieux entrer les flots et me noyer toi Martinique, t’appartenir et me sentir faune et flore, jamais la présence de l’homme ne m’a autant effrayé, il y a tant et cette fausse unité est déconcertante…

Terre des paradoxes, sur le sol sable des esclaves dont je ne sais rien, dont je ne viens…

Je ne viens finalement de presque nulle part, j’ai refusé le natal.

Martinique. Je te foule au cœur, je te foule au sang, je te perds. Je te prends. Je perds, j’ai perdu.

Et je gagne, ça ; là, dans l’œil du cyclone !

MARTINIQUE
Commenter cet article