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Tempête

Publié le par Mathias LEH

Tempête
Tempête
Tempête

Je danse des pas sourds, dans l’océan de mes pensées, dans la pluie qui recouvre les routes oubliées.

Je ne te donnerai rien, je ne me pencherai pas, l’enfant a quitté mes yeux. La tempête gronde, je connais le lieu, la place. Suis la trace, le sentier dans les calebassiers, tu rougissais.

Quand elle est venue, douce et tendre, furie des vents, elle a pris tant, ils ne voulaient pas comprendre, du dedans, incompréhensible et magma en moi, je me suis soumis.

Tu as trop cru que j’étais simplement rebelle, je ne me cabre pas toujours, tu devrais le savoir mieux que quiconque, toi à qui j’ai donné tout le fruit…

Les pluies s’intensifiaient, le jour devenait nuit, les éclairs striaient le ciel puissamment, tu n’es pas venu, jamais revenu.

J’ai attendu, les heures grises, les heures pâles, le corps occupé, se décharner et fondre le temps. Peu à peu le sol se rapprochait, les murs rétrécissaient, je ne pensais que toi…

J’ai entendu les tuiles voler, le plancher trembler, je n’étais pas là, j’étais en moi, à te retenir, à t’appeler. J’ai fait cette petite boîte de métal, ce cœur détruit, avais-je enfin ce cœur métal ?

Etait-ce la tempête ? Etait-ce cette fin du jour au beau milieu de la journée ? Je ne le crois pas, quelquefois, en moi, tout s’éteint, les lumières faiblissent puis soudain disparaissent, je prends possession de tout ce noir au fond de moi…

La porte ouverte, je m’offre aux vents, je dévore l’angoisse qui crépite tout en moi. Les courbarils ploient et luttent contre les dents de souffle qui les dévorent, flamboyant tout déplumé contemple toutes ses branches déchues à son pied…

Je cours, je sens les gouttes folles de pluie comme autant de gifles violentes, je comprends l’étreinte serrée des vents sur tout mon corps. La terre est boue, le ciel est magma de gris et de rouille. Où es-tu toi que je ne cesse jamais d’aimer ? Pourquoi me retrouver encore si seul ?

Je vais le fromager à la lisière du visible, je vais et caresse les pics le long de son tronc séculaire. Je sais la place, je connais le lieu. Je sors alors la corde. Elle est mouillée, à peine, le tronc creux du manguier l’avait protégée. Il me faut faire vite, amarrez à toi, de tes racines infinies faire ma canopée secrète.

J’ai attaché la corde autour de toi puis de moi, je suis étroitement lié à toi et aux esprits que tu abrites, le vent brouille les pistes mais je sais…

Je vais, la corde, longue, me protège des peurs concrètes.

Je ne resterai pas une minute de plus dans la carlingue de cette bâtisse au milieu des bois, je ne t’attendrai pas, je ne puis…

Ce sentiment de mort contre lequel je lutte et la périlleuse force des éléments qui se déchaînent tout autour de moi… Je ne peux réfléchir correctement, un impératif se dessine, aller, bouger, avancer, ne pas réfléchir inutilement, suivre la flèche de volonté lancée ici, maintenant…

J’irai jusqu’à la corde ne m’appelle au retour, jusqu’à ce qu’elle se rompe, m’abandonne, elle aussi…

Je descends en souvenirs, je coupe le présent, il est trop violent, les branches parfois lacèrent mon visage.

Il a fallu tout ce temps, infini. Et presque rien, le crépitement d’une allumette, toi face à moi, je souris dans le firmament de cette apocalypse. Et la vie, torrent tranquille, se résout à la cascade infinie. Il a fallu cet instant, suspendu et éternel dans mon souvenir.

Tu viens. Tu ne dis rien mais ton regard parle cent mots. Tu caresses mes mains, frémissements intenses. Je n’ai aucune honte, je ne comprends pas pourquoi. Rien ne devrait avoir lieu.

La corde se resserre quand les bourrasques saignent l’air. Je n’en ai cure. Je suis avec toi, souffrance du souvenir, fraîcheur d’y être à nouveau…

Donne et redonne ta main. Douce et tendre. Je revois tes doigts, paume renversée et ouverte, relâchés après l’amour, simplement.

Ta peau, mon eau de source, tes bras qui se resserrent sur les miens, contraste lent dans le lent mouvement des corps innocents de plaisir. Je ne rougirai pas, j’irai droit du vent jusqu’à toi, mon amour interdit, du breuvage qu’ils donnaient poison et m’a redonné goût à la vie. Je veux des nuits dans la forêt souterraine de nos rires, les mots sans cesse échangés, les regards si longs, si profonds que les puits me semblaient soudain anodins. Je caresse tes lèvres, du bout des doigts, du creux de la langue, qui le saura ?

Il a fallu, dans les crépitements qui furent nôtres, que je prenne retrait en cette forêt, j’ai disparu peu à peu du monde commun pour devenir cet homme des bois, dans la vie végétale et animale, je n’attendais que toi, tu n’as plus été que mon seul visiteur, j’espérais sans doute trop ta venue. L’illicite ne m’a jamais froissé, j’étais ailleurs, et quand, sombre, tu parlais de la fin, de l’inévitable, je rejoignais la mangouste au creux des bosquets framboisiers, je ne t’entendais plus. La peur a cependant fait pas à pas son chemin, tu allais quitter.

La corde ne veut pas rompre, je suis au bout, le chemin n’est plus que l’ombre de lui-même. J’ai du mal à le reconnaître. Je m’assieds dans la boue, les feuilles et le bruit assourdissant. Je ne suis que larmes et vent.

N’a-t-on le droit ? Qui peut dire ? Pourquoi ?

Est-ce toi vent qui trace cette ligne entre le passé, l’amour et moi ?
Je ne le crois pas, je suis ton doux serviteur depuis tant d’années, tu ne trompes pas ainsi.

Je connais le jugement des hommes et leur hypocrisie. Je détache la corde, patience dans les rugissements saccadés. Je vais le cœur des arbres, le cœur chlorophylle, à toi je fais confiance, que le reste s’accomplisse.

J’ai parcouru la nuit des vents, la pluie des confins et je n’ai rien pris, j’ai tenu face et tu es là, tu me serres si fort dans tes bras, je retrouve tes épaules larges et puissantes, ton front d’azur et de promesses, lisse et tendre, je pose largement ma tête au creux de toi, que ton torse abrite mes joies et mes peines…

La nuit gronde et tout contre toi je sais enfin que la tempête va cesser… Embrasse-moi.

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